La solitude comme expérience humaine.

Nous naissons, vivons et mourrons seuls

Bouddha

Personne ne nous apprend à être seuls

Jacqueline Kelen

Qui n’a jamais fait l’expérience, même plusieurs expériences renouvelées dans sa vie d’homme, de femme, et même dans son enfance de la solitude ? Peut-être même très tôt dans l’enfance, mais sous d’autres modalités, par des manifestations physiologiques comme (des pleurs, des cris, des agitations…)

Je me sens si seul, j’ai peur de me retrouver seul, même en groupe, je marchais avec la foule et je me sentais seul comme coupé du monde. Je me sens isolé, j’ai besoins d’être seul… Tous ces mots, expressions de langages nous parlent d’un état, d’une expérience, d’un phénomène, qui s’inscrit dans une temporalité et/ ou qui résonne peut-être encore en chacun aujourd’hui, dans une société qui va vite où le verbe remplir a remplacé celui de sentir, sentir cette vie, vie intérieure faite d’émotions, de sensations, de sentiments. Celle qui frappe à la porte, souvent, qu’on redoute tant, dans notre société dite moderne, connectée et sans limites, où on use et ruse de stratégie pour ne pas faire compagnon avec elle, celle qu’on nomme : la solitude

L’étymologie de solitude : du latin solitudinem accusatif de solitud, de solus qui veut dire «  seul »

Le Larousse d’écrit :  État de quelqu’un qui est seul momentanément ou habituellement 

La solitude est attachée expérience humaine, elle est ontologique et également, relevant d’une anthropologie de la solitude au regard du phénomène psychologique et social qui s’en manifeste. C’est   une expérience saisissante, qui saisit l’esprit et le cœur depuis la nuit des temps. La solitude constitue une composante inhérente à la condition humaine.  Ce sentiment, souvent ambivalent, oscille entre une nécessité d’introspection et d’intimité intérieure, d’une part, et du fardeau émotionnel de l’isolement, d’autre part. Il y aurait une nuance à y apporter entre l’éprouvé de la solitude et l’isolement et solitude et sentiment de solitude.

L’expérience et l’apprentissage de la solitude

La solitude est généralement définie comme un état d’isolement ou d’absence de relation. Cependant, il est essentiel de reconnaître qu’il existe plusieurs formes de solitude, elle recouvre trois états :  vivre seul, se sentir seul et l’isolement. Nous pouvons nous sentir seul même en présence des autres. Le pédiatre Psychanalyste Donald Winnicott apporte un éclairage important quand il évoque « la capacité d’être seul en présence des autres » Pour Winnicott, « être seul » c’est la capacité d’être seul en présence de quelqu’un. Il décrit que le sentiment de solitude pour un individu, c’est-à-dire la capacité d’être seul est un moment important pour le développement de la maturité et du développement affectif.

Comment apporter un éclairage sur les racines profondes du sentiment de solitude ? Nous savons qu’aujourd’hui l’enfance joue un rôle essentiel dans la manière dont nous appréhendons la solitude à l’âge adulte. Les expériences de séparation, de perte ou de rejet pendant la petite enfance peuvent laisser des empreintes durables, générant des sentiments d’abandon et de méfiance envers les autres.

Dans quel environnement l’enfant s’est-il développé ?

La capacité de l’enfant à être seul va dépendre de l’expérience répétée dont il a pu faire l’objet face à la présence /absence des parents nourriciers dont il dépend. Quand l’enfant a pu vivre des moments de jouissance de son être seul (jouer avec des jouets mise à sa disposition ou avec des parties de son corps, sans avoir toujours la présence de l’autre et de la stimulation extérieure, il va intégrer cette expérience vivifiante et du développement de la sécurité intérieure et donc une solitude vivante). A contrario, les bébés qui ont connu très tôt des moments où on a pu répondre d’une façon récurrente à ses besoins et où il a fait l’expérience de vide sans qu’on le rassure, lui parle, celui-ci va faire l’expérience du vide angoissant, des angoisses primitives. Plus tard, les adultes qui sont dans l’incapacité d’être seuls, ont un besoin impérieux d’avoir une présence d’une autre personne ou d’avoir recours à des stimuli extérieurs comme des produits addictifs qui font office de prothèse affective (objet d’amour) et viennent atténuer provisoirement des angoisses du vide. Ce n’est pas la recherche de plaisir, mais plutôt d’une jouissance, d’une autostimulation dans laquelle il n’y a pas de “l’autre“. Tout ceci crée un état d’isolement qui est contraire à la solitude.

En Résumé

L’intériorisation des objets d’amour et d’affection primaires, tels que les parents, crée une présence psychique interne qui peut atténuer la solitude en fournissant un sentiment de compagnie dans l’imaginaire. La qualité de cette intériorisation joue un rôle clé dans la manière dont nous développons notre relation à nous-mêmes et aux autres. L’enfant n’a pas fait l’expérience d’être seul même en présence des parents.

De la solitude choisie et nourrissante à la solitude subie et douloureuse

On ne peut être vraiment soi qu’aussi longtemps qu’on est seul ; qui n’aime donc pas la solitude n’aime pas la liberté, car on est libre qu’étant seul. Schopenhauer

Certaines personnes  font le choix de vivre des moments de vie d’une solitude volontaire, transitoire, que ce soit pour traiter un problème qu’ils considèrent pouvant  gérer  seul ( un licenciement, une séparation amoureuse et se donner le temps pour faire le deuil de la relation, un questionnement existentiel comme  le sens de sa vie, un congé sabbatique pour effectuer un voyage, pour réfléchir sur un autre mode de vie,  …) cette solitude choisie est supportable et les personnes s’en  accommodent sans trop de souffrance.

 L’autre versant qui est la solitude subie, non désirée qui s’impose à la personne : le sentiment d’abandon, un accident, d’ennui, un handicap, la perte de parents, l’absence de relation et d’interaction sociale, l’exclusion. Cette solitude subie isole et génère un état d’angoisse mortifère, un néant.

Solitude et isolement

L’isolement, c’est lorsque je ne suis ni avec moi-même, ni en compagnie avec les autres écrits. Hannat Arendt

Vivre la solitude ou un sentiment de solitude peut, pour certaines personnes être supportable, vivable, mais dans la société d’aujourd’hui hyperconnecté au virtuel, de plus en plus de gens font l’expérience et s’enferme dans une autre forme d’expression de la solitude, son autre visage qui est : l’isolement.

Nous avons vu que la solitude, en tant que sentiment, peut-être une ressource pour une introspection bénéfique. Elle offre une occasion de s’interroger sur nos besoins émotionnels, notre identité et nos relations. Ce voyage intérieur peut parfois révéler des vérités inconfortables, mais également ouvrir la voie à une plus grande acceptation de soi et à une connexion plus authentique avec les autres.

L’isolement nous donne à vivre le sentiment d’être séparé des autres, que ce soit physiquement, socialement, ou les deux.  Une personne peut être isolée sans ressentir de solitude, par exemple, un ermite choisit l’isolement sans nécessairement ressentir de la solitude.  L’isolement peut mener à un appauvrissement des interactions sociales et du réseau de soutien, avec des conséquences sur la santé physique et mentale. N’est-ce pas l’expérience de vie que font beaucoup de personnes âgées ?  Nous retrouvons par ailleurs les personnes qui ont recours à des consommations de produits psychoactifs ou des addictions comportementales qui recherche des stimulations immédiates qui favorise l’isolement, une jouissance répétée, déconnectée du monde, absence du lien. Nous pouvons réfléchir, cheminer avec cette interrogation : Est-ce vraiment la solitude qui fait souffrance ou l’isolement, se sentir isolé ?

Solitude et sentiment de solitude

Il est important de souligner que la solitude et le sentiment de solitude, sont étroitement liés, mais une nuance est émise entre “ être seul“ et “ se sentir seul“. Comment comprendre cette nuance qui permet de mieux se rapprocher de ces deux notions ? La solitude est un état, une situation dans laquelle on se trouve seul, sans la présence d’autres personnes. Une personne peut être physiquement seule ou pas. Cet état peut être choisi délibérément, par exemple lorsqu’on souhaite passer un moment en solitaire pour se ressourcer, ou être subi, lorsqu’il résulte d’une situation d’isolement involontaire comme (un abandon, une maladie…)

Le sentiment de solitude, en revanche, est une émotion, une perception subjective de solitude qui peut être ressentie indépendamment de la présence ou de l’absence d’autres personnes. Une personne peut ainsi se sentir seule même lorsqu’elle est entourée d’autres personnes (couple, ami, groupe). Ce sentiment peut être le reflet d’un manque de connexion émotionnelle, d’une impression de ne pas être compris ou accepté, ou d’une difficulté à établir des liens avec autrui.

La distinction entre ces deux notions est cruciale pour comprendre les différents aspects de la solitude et de la détresse qui lui est souvent associée. Une personne qui est physiquement seule, mais qui ne ressent pas de sentiment de solitude, peut être parfaitement heureuse et épanouie. À l’inverse, une personne qui est entourée d’autres personnes, mais qui se sent seule, peut éprouver un vide de liens, un sentiment de rejet ou d’abandon, une détresse.

Le paradoxe de la solitude

La solitude peut être à la fois épanouissante et éprouvante, et ce paradoxe soulève des questions existentielles sur notre nature humaine. D’une part, se retrouver seul peut favoriser l’introspection, l’auto-exploration et l’indépendance émotionnelle. C’est une occasion de se confronter à nos peurs, de cultiver notre intériorité et de trouver la force en nous-mêmes, comme l’exprime Françoise Dolto :  » La solitude m’a toujours accompagnée, de près ou de loin, comme elle accompagne tous ceux, qui seuls, tentent de voir et d’entendre, là où d’aucuns ne font que regarder et écouter. Amie inestimable, ennemie mortelle – solitude qui ressource, solitude qui détruit, elle nous pousse à atteindre et à dépasser nos limites « .

N’y aurait-il pas d’autre forme de solitude à inventer, à se créer pour la rendre plus vivable ?

D’autre part, le sentiment de solitude peut se manifester au milieu de la foule, lorsque nous ressentons un décalage émotionnel avec notre environnement social. Ce décalage peut découler de la difficulté à établir des connexions authentiques avec les autres, d’un sentiment de non-appartenance ou du fardeau d’être mal compris.

La société moderne et la solitude

Dans notre société, la solitude devient un problème grandissant.

Avec la société actuelle qui se modernise, où les valeurs sont centrées sur la réussite individuelle et la compétition malgré son hyperconnectivité numérique, celle-ci favorise de plus en plus le sentiment de solitude, d’isolement social et de renfermement sur soi. Quand le virtuel s’invite aujourd’hui dans le réel, les réseaux sociaux et la technologie, bien que permettant une communication constante, peuvent en réalité renforcer le sentiment de déconnexion en privilégiant des interactions superficielles et dépourvues d’empathie.

Comment sortir de la superficialité d’une société boulimique de consommation et d’anorexie du lien à l’autre, société qui baigne et est guidée par le narcissisme, société de l’immédiateté, de la jouissance, la soif de liberté sans limites, le tout connecté virtuel qui s’invite dans le réel, réel qu’il faut fuir ? La fabrique des stimulations est à portée de main.

Le chemin d’apprivoisement, d’acceptation et d’intégration de la solitude

Accepter et intégrer la solitude dans nos vies peut être un voyage intérieur profondément gratifiant.  Favoriser des relations interpersonnelles authentiques et nourrissantes peut également être une étape importante pour surmonter la solitude non désirée. En exprimant notre vulnérabilité et en établissant des liens significatifs, nous pouvons combler le fossé entre notre monde intérieur et le monde extérieur comme l’écrit poétiquement jacqueline Kelen :

“Pour la plupart des contemporains, la solitude est ressentie de façon négative : on la confond avec l’isolement, le manque, l’abandon. Et la société veille à empêcher que l’être humain ne se retrouve seul, face à lui-même.
Or la solitude est loin d’être un enfermement, une pauvreté. C’est un état d’heureuse plénitude. Non seulement parce qu’elle offre la clef de la vie intérieure et créative, mais parce qu’elle est disponibilité et apprentissage de l’amour. Et il n’est pas de liberté de l’individu sans ce recueillement de la pensée, sans cet ermitage du coeur.“

Pour finir... mais le chemin n’est pas terminé

La solitude, telle une mer houleuse, peut nous émerveiller par sa beauté introspective ou nous submerger par son désarroi émotionnel. En abordant la solitude avec curiosité et ouverture, faisons acte d’hospitalité à son égard car, nous pouvons découvrir une richesse insoupçonnée au cœur de notre être. En embrassant cette énigme humaine, nous trouvons la possibilité de nous connaître nous-mêmes et de nous relier authentiquement aux autres, offrant ainsi un sens plus profond à notre existence et comme le rappel une seconde fois  Jacqueline Kelen « Lorsqu’on vit seul, ce n’est pas manque de chance ni absence d’amour : c’est que justement jamais on ne se sent seul, que chaque instant déborde de possibles floraisons. »

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